Restauration du V12 Pre HE
de Jean Marc
L'entretien d'un V12 nécessite toujours des soins
particuliers. Même en bon état, il faut vérifier quotidiennement les petites
fuites, les niveaux d'eau et d'huile et veiller à ne jamais laisser le moteur inutilisé
pendant de longs mois car les joints sèchent, les durits se bouchent et les
pièces en acier rouillent ; bien sûr tout le travail de sape se passe à
l'intérieur du moteur, loin des regards.
Lorsqu'un V12 donne des signes de fatigue, les choses se gâtent pour le
malheureux propriétaire.
Les symptômes avant intervention
Le V12 qui équipe ma voiture (préHe 1979 de 170 000 km) semblait en bon état général mais affichait des signes
discrets de fatigue, qui se sont additionnés avec le temps. J'en étais arrivé à
la liste suivante, dont certains sont graves, d'autres anodins :
- accélération un peu molle et manque de puissance
pour un moteur de près de 300 CV
- indicateur de pression d'huile toujours en bas,
moteur chaud ou pas
- odeur d'huile brûlée sous le capot
- consommation d'huile importante (2 litres tous les
300 km environ)
- ralenti irrégulier avec des petits « pets»
audibles à la sortie de l'échappement
- tendance au témoin " oil
" à s'allumer moteur chaud
- bruit permanent de raclement au niveau de la
distribution
- compression faible : 5 à 7 bars suivant les
cylindres, au lieu de 9,9
- eau brunâtre en guise de liquide de
refroidissement
Quant à la GM400, qui est réputée très solide, la mienne est tombée en panne.
Le dysfonctionnement est apparu sous la forme d'un emballement du moteur lors
de l'accélération en seconde vitesse, ainsi que l'absence de troisième vitesse.
La concession Jaguar de Toulouse m'a dressé un verdict sans appel : ma boite
était bonne à être démontée et entièrement révisée. Pourtant elle avait
été changée 70 000 km plus tôt par un autre
propriétaire...
La décision et le diagnostic
Sur n'importe quelle autre voiture, on cherchera l'origine de la fatigue du
moteur en ouvrant les culasses et le bas moteur. Sauf que pour le V12 Jaguar,
rien n'est simple. Le moteur est tellement énorme et encombré d'accessoires
qu'il faut tout déposer pour accéder aux culasses ou ouvrir le bas moteur.
Quant à la boite, il faut sortir le moteur pour la dégager dans presque tous
les cas (quelqu'un m'a dit un jour parvenir à sortir la boite sans le moteur…
?).
De mon côté, le risque devenait assez important de me retrouver vraiment en
rade à un moment ou à un autre et de n'avoir plus qu'une épave non roulante en
guise d'auto (faible pression d'huile inquiétante). J'ai donc consulté
plusieurs garages sur ce qu'il convenait de faire pour le moteur. Une
concession m'a proposé de confier ma voiture à ses « commerciaux » qui la
vendrait en pièces, « vu ce qu'elle vaut » m'ont-ils dit.
D'autres garages m'ont conseillé :
- d'ouvrir une culasse ou le bas moteur pour
regarder (soit 1000 euros pour chaque coup d'oeil) ;
- de faire un « échange standard » : 10 000 euros
pour le nouveau moteur, hors main d'œuvre, mais avec des risques, car ce type
de moteur n'est plus distribué par Jaguar.
- de faire un rodage soupape et changer les
coussinets de bielles : 3 000 euros minimum
- de trouver un V12 de cet âge en bon état pas cher
et faire l'échange (à mes risques et périls).
Il y a des moments où l'on se sent très seul : d'un côté une voiture qui menace
de s'effondrer et qui réclame des soins intensifs et de l'autre une armée de
rapaces prête à se jeter sur sa dépouille ou sur votre tirelire pour prendre
jusqu'à votre dernière chemise.
J'ai heureusement rencontré plusieurs professionnels amoureux des Jaguar dans
les environs de Toulouse. L'idée que je proposais était de trouver un moteur,
présumé en meilleur état, pour faire l'échange avec le mien. Après avoir suivi
en vain une piste proposée par le XJS-Club,
j'ai trouvé une annonce dans LVA pour un moteur + boite TBE d'un coupé de 1977.
Je suis allé le chercher à Paris et a commencé l'extraction de mon moteur.
Une fois extrait de la voiture, mon V12 n'avait pas une si mauvaise allure.
Alors, il fut décidé de regarder dedans et de le réviser entièrement.
Le plus difficile a été d'enlever les deux culasses du moteur, soudées au bloc
par la chaleur, l'oxydation des gougeons et l'usure.
Le démontage du haut et bas moteur a révélé l'origine de la maladie :
- soupapes et sièges de soupapes très calaminés
(expliquant la perte de compression et de puissance),
- culasses attaquées en creux par le liquide de
refroidissement (risques de fuites),
- présence de boue marron autour des chemises et
dans le circuit de refroidissement (moteur tendance à chauffer et absence de
chauffage à la demande dans l'habitable)
- tendeur de chaîne en plastique cassé à deux
endroits (bruit de la distribution),
- coussinets de bielles usés et pompe à huile
douteuse (faible pression huile)
- tous les joints et durits bons à changer
- faisceau électrique cuit et en mauvais état
Mais aussi des atouts :
- pistons et chemises en parfait état sans aucun
trace d'usure, ni d'ovalisation
- ligne d'arbre parfaite
La première idée a donc été abandonnée et il a été décidé de nettoyer ce
moteur, de surfacer les culasses et de changer les pièces malades.
Les réparations
Concernant la boite, j'ai prospecté la filière anglaise et bordelaise, mon
choix s'est porté sur un spécialiste des voitures américaines à Toulouse
habitué à manipuler la GM400. Un spécialiste de Bordeaux proposait le même
service mais avec un prix plus cher.
Une fois démontée, la panne de la boite était un joint caoutchouc fendu ! Le
démontage a permis une révision standard avec changement de tous les éléments
usés : joints, disques d'embrayage, ressorts ainsi que le convertisseur. L'un
de mes amis qui est passé par ce spécialiste a fait refaire sa boite il y a 10
ans et elle fonctionne parfaitement.
Concernant le moteur et le accessoires :
- dépose du moteur, ouverture, nettoyage des culasses
et rectification du plan de joint (sous traité), nettoyage des pièces moteurs
(pistons, soupapes), remplacement patin de chaîne de distribution et pompe à
huile, réassemblage moteur, rodage des soupapes, pastillage, pose coussinets
sur bielles et villebrequin, repose moteur et acessoires.
Les autres réparations ont porté notamment sur :
- changement toutes les durits et tuyaux divers
- intervention sur faisceau électrique (moteur,
habitacle)
- nettoyage du circuit de refroidissement
- réfection du radiateur d'eau
- changement du compresseur de clim
et déssicateur
- achat d'une ligne d'échappement inox
- changement des serrures forcées
- traitement blaxon sous
caisse
- travail sur faisceau électrique, horriblement
bricolé
Aujourd'hui, la voiture roule bien, très bien même. Elle a réintégré le garage
familial, mais elle est sous étroite surveillance mécanique. Elle passe au
contrôle technique lundi. Le prochain chantier sera le ciel de toit /
carrosserie, sûrement moins compliqué.
La leçon à tirer de cette histoire est que ceci est le résultat de mauvais
traitements successifs, notamment par des garagistes incompétents qui croient
traiter un panne et qui déclenchent une catactrophe à retardement à côté.